par fr. Francesco Dileo, OFM Cap.
La prière intense et continuelle, la profonde union avec le Christ dans la Célébration Eucharistique, le zèle apostolique, la disponibilité à la direction spirituelle, une fervente dévotion mariale. Les caractéristiques que Padre Pio et Jean-Paul II ont en commun sont nombreuses. Mais il y en a une qui, en coïncidence du premier centenaire de la naissance de Karol Wojtyla avec l’une des périodes les plus noires de l’histoire récente de l’humanité, devient message de foi et exhortation à l’espérance: la souffrance.
Les douleurs de Padre Pio, dues aux infirmités, aux vexations diaboliques et à la pleine participation à la passion du Christ, sont déjà connues par les lecteurs de cette revue. Mais aussi l’existence de Karol Wojtyla a été sans cesse marquée par les tribulations. Dès son enfance et sa jeunesse, il a subi la perte de personnes chères: sa maman à huit ans, son frère à douze ans, son père à vingt et un an. Depuis 1939, il fit l’expérience de l’occupation de la Pologne et la privation de ses professeurs, «illustres hommes de culture», qui «furent emprisonnés et déportés dans les camps de concentration». Cinq ans plus tard, il faillit mourir, quand il fut heurté par un camion allemand et il fut hospitalisé pendant deux semaines, avec une «grave commotion cérébrale». Malgré cela, quand don Karol Wojtyla connut la jeune Wanda Poltawska et qu’il commença sa direction spirituelle, une profonde amitié est née. Ils se définissaient l’un l’autre «frère» et «petite sœur». Après que le prêtre connut son expérience dramatique de déportée et de “cobaye” à Ravensbruck, «une collaboration toujours plus intense» en sortit. Il pensait, en fait, que «ceux qui ont souffert durant la guerre, ont souffert pour lui, car il a été épargné d’une telle souffrance». Les douleurs ne l’ont jamais abandonné, même pas au cours de son long pontificat. À partir du 13 mai 1981, jour de l’attentat, sa vie est devenue une longue et ininterrompue Via Crucis, toujours plus douloureuse, à mesure qu’il s’approchait du sommet du Calvaire.
Le fruit de cette souffrance personnelle et, aussi, du Jubilé extraordinaire de la Rédemption, est la Lettre Apostolique Salvifici Doloris, dans laquelle Jean-Paul II a essayé de donner une réponse à la question que tout homme, une fois au moins dans sa vie, se pose: pourquoi le mal dans le monde? Une question à laquelle il est difficile de répondre, surtout devant la «souffrance d’un innocent». «Elle doit être acceptée comme un mystère que l’intelligence de l’homme n’est pas en mesure de pénétrer à fond», a écrit Jean-Paul II. Et pourtant, il a cherché à «pénétrer» dans ce «mystère», et à en donner une explication, à la lumière de la révélation et de la foi. «La souffrance a un caractère d’épreuve», lit-on encore dans le texte. C’est «une invitation» de la miséricorde divine «qui châtie pour amener à la conversion». Mais c’est surtout l’amour « qui est aussi la source la plus complète de la réponse à la question sur le sens de la souffrance. Cette réponse a été donnée par Dieu à l’homme dans la Croix de Jésus-Christ. […] Le mal reste, en effet, lié au péché et à la mort». Ainsi, «le Rédempteur a souffert à la place de l’homme et pour l’homme» et, en souffrant, «le Christ a créé le bien de la Rédemption du monde». Mais «tout homme peut, dans sa souffrance, participer à la souffrance rédemptrice du Christ», car «la Rédemption, opérée par la force de l’amour réparateur, reste constamment ouverte à tout amour, qui s’exprime dans la souffrance humaine».
Cette leçon est devenue témoignage au cours des dimanches de mars 2005, quand Jean-Paul II, désormais incapable de parler, parce que trachéotomisé, ne s’est pas soustrait à l’effort et à l’humiliation de se montrer à la fenêtre de son bureau, pour crier, en silence, son amour oblatif pour l’humanité.